La caténaire
L’incident caténaire est un des incidents qui a le plus d’impacts sur les circulations, mais pour quelles raisons ?Lundi 11 janvier 2016, un incident caténaire survenu à proximité de la gare du Bourget en milieu d’après-midi a provoqué d’importantes perturbations avec une interruption des circulations sur la partie nord de la ligne B. Cet incident a suscité certaines interrogations auprès des voyageurs.
Je vous propose donc de nous pencher plus en détails sur cette pièce majeure de l’infrastructure ferroviaire, la caténaire, pour mieux comprendre les conséquences de ce type d’incident.
Qu’est ce qu’une caténaire ?
La caténaire est un ensemble de câbles et de pièces permettant d’alimenter électriquement les trains. Elle est située en hauteur, à 5,75 mètres en moyenne au-dessus des rails.
Le captage du courant par le train s’effectue par le pantographe. Ce bras articulé en forme de Z placé en toiture frotte la caténaire avec son archet pour capter l’électricité.
Vous l’aurez compris, la caténaire, c’est avant tout une histoire d’électricité. Pour saisir l’impact d’une panne sur le trafic, il nous faut revenir sur l’histoire de la ligne B.
L’électrification de la ligne B
De par son histoire, la ligne B du RER est alimentée par deux systèmes d’électrification ferroviaire différents, nécessitant des trains bi-courant :
- la partie sud de la ligne B (de Gare du Nord à Saint-Rémy-lès-Chevreuse/Robinson) est approvisionnée en courant continu de 1500 volts, les opérations de coupure en cas d’incident étant réalisées depuis le Centre de Commandement Unique du RER B. Cette électrification date des années 1930 et était utilisée à cette époque pour électrifier les lignes ferroviaires. Le sud de l’Île-de-France, et toute la partie sud-est et sud-ouest du réseau ferré français fonctionne toujours aujourd’hui avec ce système d’alimentation, excepté les lignes à grande vitesse. C’est le cas également de la ligne A du RER sur son tronçon central ainsi que sur les branches de Saint-Germain-en-Laye, Marne-la-Vallée et Boissy-Saint-Léger.
- la partie nord de la ligne B est approvisionnée en courant alternatif de 25000 volts et supervisée par le Central Sous Station (CSS), qui gère également l’alimentation électrique de tout le réseau de Paris Nord (emprunté par les lignes D, H, K, TER, TGV, Eurostar et Thalys). L’électrification de la partie nord de la ligne B date de 1963. Cette technologie en 25 000 V alternatif a été déployée depuis les années 1960 à la place de la technologie 1500V, pour toutes les lignes qui ont été électrifiées à partir de cette période. Aujourd’hui, la partie nord de la France, ainsi que les réseaux de Paris Est, Paris Nord et Paris Saint-Lazare sont électrifiés en 25 000 V.
Rentrons maintenant dans le vif du sujet.
L’incident caténaire
Alertés sur un incident (par un conducteur ou sur demande des pompiers par exemple), les agents du Central Sous-Station pour la partie nord / du Centre de Commandement Unique pour la partie sud sont dans l’obligation de couper au plus vite le courant électrique. C’est ce qu’on appelle la « coupure d’urgence ». La priorité est bien évidemment d’assurer vis-à-vis du risque électrique la sécurité des voyageurs et de toute personne qui se trouverait à proximité de la caténaire.
Lors de l’arrêt d’un train entre deux gares, il est rappelé de ne pas tenter d’ouvrir les portes ni de descendre sur les voies : le risque est à la fois d’être heurté par un autre train, mais aussi dans le cas d’une rupture de la caténaire qui viendrait de se produire de rentrer en contact avec un élément métallique sous tension.
En 25 000V le risque d’électrocution existe avant même de rentrer en contact physique avec le fil par apparition d’un arc électrique. C’est pour cela aussi que le conducteur demande dans ce cas-là des mesures immédiates d’arrêt des circulations et de coupure d’urgence du courant.
Dès le début de l’incident des caténairistes (aussi appelés « écureuils ») sont dépêchés sur place pour faire un premier état des lieux, estimer le délai de réparation, et voir quelles mesures techniques peuvent être prises pour limiter l’impact de l’incident.
La seconde étape est de rétablir au plus vite l’alimentation électrique dans les zones non impactées par l’incident. Cela nécessite de manœuvrer, à distance ou sur place, des interrupteurs ou des sectionneurs, voire de mettre en place sur le terrain des « perches » de mise au rail. Ces opérations visent à éviter tout risque de réalimentation sur la zone afin de permettre si cela s’avère nécessaire l’évacuation du train concerné en toute sécurité pour les voyageurs, et d’autoriser le travail des équipes techniques là aussi en toute sécurité. Une fois ces mesures mises en place, il est possible de rétablir les circulations sur les voies adjacentes ou de créer des navettes ferroviaires sur les branches de la ligne sur lesquelles le courant a pu être rétabli.
Ensuite est engagée la phase de réparation. Elle peut nécessiter plusieurs heures de travail en raison de la tension mécanique très importante sur le fil de contact (supérieure à 1 tonne), des précautions à prendre pour travailler à 5 mètres de hauteur et des moyens à mettre en œuvre, très spécifiques, pour remplacer les pièces endommagées.
Pendant ces différentes phases, nous essayons de donner aux voyageurs les informations les plus fiables possibles sur la cause de l’incident et l’heure prévue pour le retour à un trafic normal. Dans le cas d’un incident caténaire, cette durée peut aller jusqu’à plusieurs heures. Nous cherchons également tous les itinéraires de transport alternatifs que nous pouvons proposer aux voyageurs pour poursuivre leur déplacement. Cela nous a par exemple amené le 11 janvier dernier à mobiliser près de 30 bus pour assurer des dessertes entre les gares où le trafic du RER B était bloqué.
Les investissements prévus pour réduire le risque et les conséquences de ces incidents
La caténaire fait l’objet d’une surveillance et d’un entretien régulier par les équipes techniques spécialisées, celles de la RATP au sud de la ligne, et de SNCF réseau sur la partie nord. Des opérations de maintenance plus lourdes sont également réalisées chaque année, certains composants étant ainsi remplacés en fonction des mesures d’usure effectuées, de signalements et du nombre d’incidents qui se sont produits sur une zone.
En complément, des investissements sont aussi nécessaires pour moderniser les infrastructures. D’importants travaux sont ainsi programmés à partir de 2018 visant à régénérer la caténaire et à optimiser le découpage électrique de la partie nord de la ligne B. Ce redécoupage permettra en cas d’incident d’isoler un secteur plus restreint et de limiter les conséquences pour les voyageurs.
De même un renforcement de la caténaire au niveau de Massy-Palaiseau est prévu dans le cadre du Schéma directeur du RER B, qui vise sur ce site à isoler électriquement les voies principales, le faisceau de garage et l’atelier de maintenance des rames.
Nous aurons l’occasion de revenir dans les mois à venir sur ces projets.